Alimentation en eau
L’alimentation en eau des canaux est toujours un problème crucial. Celle du canal de Bourgogne s’organise grâce à des solutions originales, sans équivalent sur les autres canaux de la région. Elle fait en effet à la fois appel à des réservoirs de grande capacité au bief de partage, mais aussi à de multiples ouvrages pour alimenter les versants, qui constituent l’une des principales particularités de cette voie d’eau.
Le rôle du canal est plus complexe qu’il n’y paraît : il s’agit certes de créer un chemin d’eau pour les transports mais aussi de réguler l’hydrographie autour de lui. Les industries, par exemple, profitent ainsi d’une puissance plus régulière des cours d’eau.
Etat des ouvrages d’art hydrauliques en 1860
- 77 aqueducs
- 34 prises d’eau, principalement dans l’Ouche et dans l’Armançon
- 22 déchargeoirs
LEGROS T.-L., Dépenses de construction et d’entretien et divers renseignements sur le produit, le trafic et l’alimentation du canal de Bourgogne9.
Toujours plus d’eau : petite histoire de l’alimentation du canal de Bourgogne
Durant toute la phase commerciale du canal, le manque d’eau fut une préoccupation constante pour les autorités et les ingénieurs.
Dans son rapport du 22 décembre 191110, l’ingénieur en chef Galliot distingue plusieurs sections relatives à l’alimentation en eau du canal :
- La section parallèle à l’Armançon, de La Roche à Rougemont, sur 94 km. Galliot y voit une sorte de canal latéral, alimenté par des prises d’eau dans la rivière et le réservoir de Pont-et-Massène.
- La section de Rougemont à Pouilly, sur 64 km. Les ruisseaux voisins alimentent peu le canal, d’où l’importance des réservoirs (Cercey, Panthier, Grosbois, Chazilly, le Tillot) dans la région du bief de partage.
- La section du versant Saône, alimentée par des prises d’eau dans l’Ouche.
L’eau manquant surtout dans la partie supérieure du canal, les constructions et les projets d’amélioration se multiplient au tournant du 20e siècle. Le contre-réservoir de Grosbois est ainsi construit et une prise d’eau dans la Saône créée en 1897 pour alimenter les trois derniers biefs du versant Saône (où le canal est alors très perméable). Une décision ministérielle du 3 juillet 1913 permet l’installation d’une usine hydro-électrique alimentant des pompes qui remontent l’eau de la Saône au niveau des biefs. Une rigole de jonction entre le bief de partage et le réservoir de Panthier est installée afin de recueillir les eaux du canal excédentaires en hiver.
État des lieux général
Une trentaine de réseaux hydrauliques, composés de plusieurs ouvrages fonctionnant en interaction (aqueduc, vanne, déversoir, rigole, etc.), a été recensée sur le canal de Bourgogne. Commençant ou se terminant généralement non loin d’un site d’écluse, ils peuvent s’étendre sur plusieurs biefs. Ils participent d’une gestion de l’eau plus générale à l’échelle du territoire et du canal, avec des dispositifs spécifiques pour aider à réguler le cours des rivières en cas de crue.
25 rigoles d’alimentation stricto sensu, en comptant celles des réservoirs, ont été dénombrées.16 sont issues de prises d’eau dans les ruisseaux et rivières avoisinant le canal, 4 sont des rigoles de remplissage des réservoirs et 4 proviennent de ces mêmes réservoirs.
Enfin, 29 déversoirs ont été repérés. Ils peuvent être de fond ou de superficie, voire les deux à la fois.
État des lieux des réservoirs
Situés essentiellement dans la région du bief de partage, les réservoirs ont un rôle primordial dans l’alimentation du canal. Quatre d’entre eux sont au-dessus du niveau du bief de partage : Chazilly, le Tillot, Grosbois, Cercey. Ils alimentent le canal au moyen de rigoles qui se jettent dans les bassins de Pouilly et d’Escommes. Seul celui du Tillot ne présente pas de rigole d’alimentation à proprement parler. Le réservoir de Panthier se situe quant à lui en-dessous du niveau du bief de partage : il est relié au canal par une rigole se déversant dans le bief 10 du versant Yonne. Enfin, le réservoir de Pont-et-Massène alimente le canal par le biais de l’Armançon. Ces six réservoirs présentent en général la même structure : une digue en maçonnerie, un évacuateur de crue, une décharge de fond et une tour de prise d’eau.
Leur évolution
Bien que le canal soit ouvert à la navigation dès 1832, les réservoirs du Tillot, de Cercey et de Panthier n’entrent en service qu’à partir de 1835. Ceux de Grosbois et de Chazilly ne sont terminés qu’en 1838.
Un projet d’agrandissement du réservoir du Tillot est aussi à l’étude, mais il n’est jamais réalisé. En effet, une dépêche ministérielle du 30 mars 1882 invite les ingénieurs du canal de Bourgogne à étudier les moyens d’augmenter les ressources hydrauliques des voies navigables. Bien des modifications sont à prévoir dans les années 188011, dont plusieurs concernent les réservoirs.
Sur les six réservoirs alimentant le canal de Bourgogne, un seul a servi à un autre usage : le plan d’eau du réservoir de Cercey voit se dérouler, à partir de 1914, les essais infructueux d’envol d’un ancêtre de l’hélicoptère, le « gyroptère » de Rouilly et Papin12.
Le réservoir de Pont-et-Massène : un point de vue pittoresque sur le canal de Bourgogne
La construction du réservoir de Pont-et-Massène est décidée en même temps que l’allongement des écluses.
Il est créé sur le cours de l’Armançon entre 1878 et 1883. Ses fonctions sont multiples : il s'agit certes d'alimenter le canal de Bourgogne, mais aussi de réguler le cours irrégulier de l'Armançon et d'assurer l'approvisionnement en eau potable des communes environnantes, dont Semur-en-Auxois. En amont du plan d’eau, un pont ancien, dit « Pont Romain » ou « Pont du Moulin de la Ronce », encore visible en période d’étiage, témoigne de l’activité de la vallée avant l’aménagement du réservoir.
Le réservoir, dont la hauteur de retenue est de 20 m, peut contenir jusqu’à 5 232 000 m³ d’eau. Sa longueur est de 5,6 km. L'eau de l'Armançon et de ses affluents est contenue par une digue de 150 m en maçonnerie, soutenue à l'aval par huit contreforts. La chambre des robinets est aménagée à ses pieds : elle abrite les vannes de vidange du réservoir. A droite du barrage se trouve un déversoir de superficie permettant d’évacuer le trop-plein en période de crue. La tour de prise d'eau se situe quant à elle dans la partie gauche de la digue : elle comprend trois étages de trois aqueducs fermés par des vannes auxquelles on accède par une série d'escaliers en pierre. L'eau du réservoir est délivrée au canal dans le bief 71 du versant Yonne, à Rougemont.
Au pied du barrage a été aménagé, sans doute dès l’origine, un parc paysager englobant la rigole d'évacuation, l'Armançon et la rigole de chute du déversoir. Les ouvrages d’art, traités comme des fabriques de jardin, concourent à la mise en place de points de vue pittoresques. Ainsi, la chute d’eau du déversoir de superficie évoque-t-elle une cascade artificielle. La passerelle métallique qui la surmonte n’est pas sans rappeler le pont « des Suicidés » du parc des Buttes-Chaumont à Paris. De même, l'édicule consacré au limnimètre prend modèle sur la célèbre colonne Morris. Ce type d’aménagement n’est pas unique : à la même époque, un parc paysager avec gerbe d’eau et cascade est créé en aval du réservoir de Saint-Ferréol, autour de la rigole de la Plaine alimentant le canal du Midi.
L'histoire de l'activité touristique du lac est encore lisible dans les installations concentrées sur la rive gauche. Aux cabanes de pêcheurs en bois, dont quelques-unes sont encore en place, se sont ajoutées des cabines de plage destinées aux premiers baigneurs puis, dans les années 1970, une base nautique (avec son plongeoir) et un camping. On note par ailleurs un ensemble intéressant de maisons de villégiature, reproductions inédites de petits pavillons urbains du 20e siècle.
Les réservoirs restés à l’état de projet
L’amélioration de l'alimentation en eau du canal, passant par la construction de nouveaux réservoirs ou l’agrandissement d’anciens, est restée une préoccupation constante comme en témoignent les nombreux projets, dressés pour l’essentiel entre les années 1870 et 1930 par les ingénieurs des Ponts et Chaussées. Mais les seuls travaux réalisés ont été l’agrandissement du réservoir de Panthier et l’aménagement du lac de Pont sous la direction de l’ingénieur Henri Bazin dans la décennie 1870, ainsi que l’extension du réservoir de Grosbois en 1900-1905 par les ingénieurs Galliot et Cléry. Les sept réservoirs envisagés - restés à l’état de projet - auraient tous été situés en Côte-d’Or.