Pont-canal de Saint-Florentin
Un pont à cinq arches franchit l'Armance en amont de l'écluse 108 du versant Yonne, donnant une vue imprenable sur toute la ville et sur un moulin en contrebas. Il est construit en pierre avec remplissage de brique et garde-corps en pierre. A l'aplomb de chaque pile à bec arrondie sont sculptés deux motifs d'urne déversant de l'eau semblant se transformer en concrétion, qui rappellent l'ornementation des salines royales d'Arc-et-Senans par Claude-Nicolas Ledoux, construites entre 1775 et 1779.
Un témoignage précieux de l'ingénieur Louis-Henri Sutil, dans son rapport du 15 janvier 1810, à l’intention semble-t-il de son collègue Foucherot, explique clairement la manière dont a été conçu cet ouvrage tout à fait exceptionnel.
« Mr. Perronet, dans son projet général, s'était proposé de construire sur l'Armance un pont-canal de 3 arches de 9,745 m d'ouverture chacune. Mr. de Montfeu, ingénieur en chef chargé en 1793 de la direction des travaux, avait cru devoir augmenter le débouché de ce pont et, en conservant la forme et les 3 arches du projet de Mr. Perronet, avait proposé de donner 11,694 m d'ouverture à chacune des arches du pont. Ce dernier projet, pour lequel il n'a point été rédigé de devis, a été examiné par le conseil des ponts et chaussées, et approuvé le 22 juillet 1793 par le ministre de l'intérieur. Mais son exécution a été alors suspendue, ainsi que celle de tous les autres travaux du canal. L'ingénieur en chef du département de l'Yonne avait toujours regardé le projet approuvé comme prêt à être exécuté dès que le devis et le détail auraient été dressés. Mais lorsqu'il s'est occupé en 1809 de la rédaction de ces devis et détail, il a reconnu que le projet avait été établi sur un nivellement fautif et était susceptible de rectification. Il s'est alors décidé à faire un nouveau projet et à proposer un pont de 5 arches de 6,50 m seulement d'ouverture. Suivant le projet de Mr. Perronet, les 3 arches du pont devaient avoir ensemble 29,235 m d'ouverture ; suivant celui de Mr. de Montfeu approuvé en 1793 les 3 arches auraient eu ensemble 35,082 m d'ouverture ; suivant le nouveau projet les 5 arches du pont auront ensemble 32,50 m d'ouverture. Cette ouverture qui se trouve moyenne entre celle fixée par Mr. Perronet et celle proposée par Mr. de Montfeu et adoptée en 1793 a été déterminée par la comparaison du débouché des 8 arches des 2 ponts construits sur l'Armance à la sortie du faubourg de Saint-Florentin. L'ingénieur a diminué l'épaisseur des piles et l'a réduite à 1,50 m à la naissance des arcs. L'ingénieur a imaginé de placer des urnes du milieu desquelles sortiraient des glaçons. Cette décoration inusitée, et qui serait déplacée dans un pont ordinaire, parait admissible et même appropriée dans l'élévation des têtes d'un pont-canal, parce que ces urnes peuvent être supposées servir de déchargeoir à l'aqueduc qui passe sur le pont. Elles rompent d'une manière satisfaisante l'uniformité et ornent la nudité des parements lisses construits en brique. D'ailleurs cette décoration ne peut pas être l'objet d'une grande dépense, surtout dans un ouvrage de l'importance du pont-canal de Saint-Florentin qui parait réclamer quelques ornements. En confinant ces urnes sur les têtes du pont, on pourrait les remplacer sur les avant-corps par des tables appropriées à recevoir des inscriptions qui rappelleraient l'époque glorieuse de la reprise des travaux du canal de Bourgogne et celle de la construction du pont-canal, et qui consacreraient la reconnaissance du peuple français et celle du département de l'Yonne envers sa majesté l'empereur ».
Le 22 mars 1811, les travaux de construction du pont-canal, de l'écluse voisine, de la maison éclusière et de la maison de perception (la maison de garde ?) sont adjugés à Eugène Maillefert-Baudot, entrepreneur à Auxerre, d'après le devis présenté le 15 février par l'ingénieur ordinaire Robillard, avec les visas de l'ingénieur en chef attaché au canal Foucherot et de l'ingénieur en chef de l'Yonne Sutil. Les travaux du pont-canal et de l'écluse sont réceptionnés le 14 septembre 1817 par l'ingénieur Robillard. L'approvisionnement en matériaux avait été prévu dès 1808 par l'entrepreneur Maillefert-Baudot, alors à Tonnerre : grès de taille de Mont-Boussard, moellons de grès de Frécambault à Avrolles, moellons de grès de Rebourseau, moellons de grès de la carrière de Bouilly, pierre dure des bois de Tonnerre, pierre tendre d'Angy à Lézinnes et pierre tendre des bois de Tonnerre, pierre de taille de Cry, bois de chêne1. L'ensemble de l'ouvrage est renforcé en 1840 par la construction d'un radier général en maçonnerie de béton, par Gaillard-Lejeune, entrepreneur à Brienon, d'après le projet de l'ingénieur Leblanc2.