Canal de Bourgogne
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Paysages

4. Le cas particulier des alignements d’arbres

Alignement d’arbres au bief du versant Saône, avec un bateau-écluse au premier plan.  Il remplace les portes d’écluses en cas de travaux.
Alignement d’arbres au bief du versant Saône, avec un bateau-écluse au premier plan. Il remplace les portes d’écluses en cas de travaux.

Dans la pensée globale d’aménagement du territoire qui était celle de la fin du 18e siècle, l’impact visuel du canal était réfléchi dès le début du projet. On l’identifie facilement grâce à ses alignements d’arbres surélevés par rapport au niveau du sol. Héritier des grands jeux d’eau des jardins des palais royaux, le canal est conçu par les ingénieurs-architectes du 18e siècle comme un ensemble majestueux, à l’échelle non plus d’un domaine mais d’un pays. Cette caractéristique cédera le pas au 19e siècle devant les difficultés financières et les aspects fonctionnels.

Jalons historiques sur les plantations sur le canal de Bourgogne

 

  • 1792 : Plantations sur « les banquettes du canal et chemins y attenant dans le district de Saint-Florentin ». Peupliers d’Italie et ormes.
  • 1805 : Des pépinières sont envisagées entre Dijon et Saint-Jean-de-Losne par Crétet, directeur des Ponts et Chaussées. Des acacias semblent alors appropriés.
  • 1807 : La première pépinière est acquise à Cîteaux. Des peupliers sont plantés jusqu’à Saint-Jean-de-Losne pour stabiliser les banquettes et marquer une limite pour les labours agricoles, ombrager le canal et éviter l’évaporation. D’autres pépinières sont acquises et tous les endroits libres sont utilisés.
  • 1814 : « Les plates-formes des écluses seront toutes exclusivement plantées en marronniers qui ne seront jamais élagués ; par ce moyen tous les biefs seront uniformément décorés, les points de repos représenteront tous de l’ombrage, et les écluses couronnées d’une manière magnifique donneront les moyens de lire dans le paysage toutes les chutes du canal […] Pour prévenir les inconvénients de l’oisiveté et améliorer à peu de frais le sort des éclusiers, les francs bords jusqu’à 100 m de distance de part et d’autre de leur habitation seront plantées en arbres fruitiers […] ». Dans son devis très complet, Robillard préconise aussi de coloniser tous les espaces libres avec des espèces variées et adaptées au sol.

 Les alignements d’arbres ont diverses fonctions :

  • Magnifier
    L’alignement d’arbres masque les défauts du détail et accentue la régularité de l’ensemble. Le projet fourni en 1811 par Foucherot et Sutil pour l’ « Embouchure du canal à La Roche »6, souligne la monumentalité donnée par une quadruple allée de peupliers.
  • Répondre à un manque de matière première et à une spécialisation des espèces
    On connaît mieux les propriétés de chaque bois et on tente de les exploiter de manière plus rationnelle.
Chemin de halage et alignement de peupliers sur le bief 75 du versant Yonne. Ravières.
Chemin de halage et alignement de peupliers sur le bief 75 du versant Yonne. Ravières.
Alignement d’arbres et déversoir sur le bief 13 du versant Yonne à Gissey-le-Vieil.
Alignement d’arbres et déversoir sur le bief 13 du versant Yonne à Gissey-le-Vieil.
Alignement de sapins le long du bief 17 du versant Yonne à Charigny.
Alignement de sapins le long du bief 17 du versant Yonne à Charigny.

Une évolution historique7

Dans la seconde moitié du 18e siècle, sous l’influence des physiocrates, les plantations deviennent plus économiques et scientifiques. Après la Révolution, l’Etat prend la place des seigneurs dans ce domaine. Faute de crédits, après la Seconde Guerre mondiale, on fait surtout appel à la Seita (circulaire de 1962) pour planter des peupliers, qui serviront ensuite à fabriquer des allumettes.

Les plantations peuvent également constituer des repères pour les limites de propriété.

Si quelques voix de maires de l’Yonne8 se sont élevées pour se plaindre de l’ombre faite par les arbres, qui gênerait la croissance des cultures voisines, les plantations semblent généralement adoptées. Au point qu’en 1906, le syndicat d’initiative et le conseil municipal de Dijon protestent contre un projet de coupe des arbres entre Dijon et Pont-de-Pany, nécessitée par le passage du train P.L.M.9 : cette partie de la vallée de l’Ouche est alors déjà un lieu de promenade apprécié des Dijonnais.

De nos jours, le canal présente des alignements mais le tableau de Robillard n’est plus d’actualité : des peupliers ou des platanes ornent l’essentiel des berges. Quelques sapins forment un ou deux alignements. Des arbres fruitiers sont encore présents, soit dans le jardin attenant à la maison éclusière, soit en face de cette dernière. Nous n’avons toutefois pas repéré d’alignement réellement ancien sur le canal.

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Retour au texte 1 Voir par exemple : De VARINE Béatrice, Villages de la vallée de l’Ouche aux XVIIe et XVIIIe siècles, la seigneurie de Marigny, Roanne : Horvath, 1979.  
Retour au texte 2 BRUYÈRE L., « Plan du village de ***, projet idéal », Frontispice du XIe recueil de ses études relatives à l’art des constructions, Paris, 1823-1828. In Un canal… des canaux… : Catalogue d’exposition, Paris, du 7 mars au 8 juin 1986. Paris, Caisse Nationale des Monuments historiques et des Sites : Picard, 1986.
Retour au texte 3 Plan du bassin de 100 toises de diamètre à faire à la tête du canal pour servir de port, 1782, Archives nationales, F14 10089.2.64.
Retour au texte 4 Archives départementales de la Côte-d’Or, XIII S 1 a / 220.
Retour au texte 5 Archives départementales de la Côte-d’Or, XIII S 1 b / 5.
Retour au texte 6 « Entrée du canal en Saône à Laroche-Migennes », Archives nationales, F14 10089 (3-4) 31 et 32.
Retour au texte 7 Les plantations d’alignement se sont développées sous Henri II en 1552. Elles sont faites et entretenues par les particuliers pour alimenter en ormes les fabriques d’armement. Une loi impose aux riverains des « grands chemins » royaux de planter et entretenir les arbres selon des règles plus précises. Les plantations d’alignement appartiennent au seigneur jusqu’à la Révolution, puis aux riverains avec encadrement de l’Etat. In Un canal… des canaux… : Catalogue d’exposition, Paris, du 7 mars au 8 juin 1986. Paris, Caisse Nationale des Monuments historiques et des Sites : Picard, 1986, p. 249
Retour au texte 8  Archives départementales de l’Yonne, 4. Sa. 143.
Retour au texte 9  P.L.M. : Paris-Lyon- Méditerranée. Archives départementales de la Côte-d’Or, XIII S 1 a / 58.