Activités
Sur les 57 édifices recensés :
- 3 ont été fondés ou très modifiés au 18e siècle
- 9 dans la première moitié du 19e siècle
- 20 dans la deuxième moitié du 19e siècle
- 17 dans la première moitié du 20e siècle
- 8 dans la deuxième moitié du 20e siècle
1780-1850 Un canal pour acheminer du vin
Dans son Troisième mémoire2, Émiland-Marie Gauthey fait une étude qu’on qualifierait aujourd’hui « d’analyse d’opportunité et d’impact ». Il montre les avantages à attendre de ce nouvel équipement et se livre à des calculs de rentabilité. Il en ressort que la marchandise la plus évidente à transporter en 1778 est le vin à destination de Paris : vins du Chalonnais et du Mâconnais, produits à proximité du canal, et vins de la Côte de Beaune, un peu plus éloignés (Pommard, Monthelie, Volnay…). En deuxième position vient le bois de chauffage, à la fois en direction de Paris et de Lyon. Gauthey prévoit que le charbon sera le troisième objet du commerce : « tout concourt à persuader qu’il peut devenir des plus considérables. »3 Il l’utilise pour promouvoir le canal. « La mine de Mont-Cenis est estimée des plus abondantes et des plus faciles à exploiter qu’il y ait dans le royaume. Sa qualité est encore supérieure à tout autre, ainsi qu’il a été reconnu par des épreuves données par le conseil. »4
La note associée précise : « Dans une expérience qui a été faite il y a quatre ou cinq ans à la forge d’Aisy sur Armançon sur différents charbons de terre de France, pour reconnaître celui qui était le plus propre à être grillé et à être employé dans les forges, on a trouvé que celui de Mont-Cenis était le meilleur de tous […] En conséquence, une compagnie a fait l’acquisition de toutes les forges des environs, où elle compte employer de ce charbon pour faire le fer, et même pour fondre la mine. Elle s’est encore obligée à fournir à Lyon une grande quantité de charbon grillé, qui est propre à être employé à la cuisine et pour les appartements, parce qu’il n’a pas d’odeur. Les veines de la mine ont d’ailleurs plus de cinq mètres d’épaisseur, et l’on en peut exploiter une grande partie sans épuisements. Cette mine se trouve à une lieue et demie du canal, et peut même y être transportée avec de petits bateaux sur l’une des rigoles qui aura 2 mètres de largeur sur 65 centimètres de profondeur d’eau au moins. Cette rigole n’est qu’à une demi-lieue de la mine.
On trouve une autre mine à Blanzi, sur le canal-même. Celle-ci n’est probablement qu’une suite de celle de Mont-Cenis, et serait encore plus avantageuse, puisqu’elle est sur les bords même du canal. On trouve le charbon à très-peu de profondeur, et si l’on n’en fait pas une exploitation considérable, c’est parce que la difficulté des chemins empêche qu’on en ait le débit.
On travaille actuellement à une autre mine de cette espèce dans la paroisse de Saint-Berain, à une demie-lieue du canal. Enfin la mine d’Epinac qui est en exploitation depuis plus de vingt ans, pourrait encore fournir à ce commerce, puisqu’elle n’est éloignée que de trois lieues du canal. On en a encore trouvé à Sanvigne, à une lieue de distance de ce canal. »5
Toutes ces mentions de charbon sont reportées sur les plans distribués par Gauthey pour faire adopter son projet.
Le choix du canal du Charolais est ainsi lié au charbon de Montcenis et à la présence de mines de fer qui permettaient à l’État d’établir une fabrique de canons. « Le canal du Charolais détermina absolument le local des fonderies du gouvernement à Montcenis plutôt qu’à Saint-Etienne. »6
Malgré ces prémices prometteuses, l’évolution se fait plus lentement que prévu : « Le commerce du charbon de terre n’a pas encore acquis, à beaucoup près, une aussi grande extension que M. Gauthey l’avait présumé. Il avait pensé qu’il pourrait fournir mille bateaux, mais il n’en a donné qu’environ 140 en l’an IX et en l’an XI, et 326 en 1810. »7
Quelques entreprises voient néanmoins précocement le jour en ce tout début du 19e siècle, en dehors des fonderies et de la verrerie du Creusot. Une entreprise de verrerie s’installe sur l’ancien domaine de la Motte-Saint-Bérain, exploitant le charbon de la mine de Saint-Bérain-sur-Dheune. Une tuilerie est mentionnée sur le cadastre napoléonien sur la rive gauche du canal, à Écuisses, face à l’ancien château de la Motte-Bouchot.
1850-1930 Développement de grande ampleur
C’est dans la deuxième moitié du 19e siècle que le développement industriel démarre de manière visible, avec la création de sept nouvelles entreprises. L’expansion urbaine s’accélère comme le montre la fondation de Montceau-les-Mines en 1856. Le canal, passant en marge de la ville, voit souvent se développer des industries sur la rive disponible. Ainsi à Montceau, la division entre services-habitation et industries est-elle clairement marquée : rive gauche pour les premiers, rive droite pour les secondes.
Les industries prospèrent donc grâce au canal dans la seconde moitié du 19e siècle, qui est un peu l’âge d’or industriel de ce dernier. C’est la période où sont construites les grandes infrastructures : usines Perrusson-Desfontaines et Colesson à Ecuisses par exemple.
-
L’écluse 03 du versant Méditerranée, la maison, le chemin de halage et l’usine Colesson, en arrière-plan.
A l’usine proprement dite et au noyau urbain existant s’ajoutent des bâtiments de service (boutiques coopératives, comme la boulangerie coopérative d’Ecuisses etc.) et des logements (lotissements ouvriers, logements patronaux, etc.).
De véritables zones industrielles se créent à Montceau et à Chalon-sur-Saône.
Après 1900, les équipements se diversifient et adoptent les dernières évolutions techniques : le centre de dispatching de l’électricité Henri Paul s’installe à côté de l’usine Colesson, à Ecuisses.
L’âge d’or se poursuit jusque dans les années 1930 et, à l’extrême limite, jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, suivant les grandes lignes de l’évolution industrielle française, déjà mises en évidence sur les canaux de la Région Centre8 : « Entre la construction des canaux dans la décennie 1830 et la grande crise des années 1930, un siècle d’intense activité industrielle a créé un paysage industriel spécifique dont les composantes patrimoniales s’égrènent prioritairement le long des canaux. »
Notons la fermeture de certaines usines, spécialisées dans la production de biens, qui ne parviennent pas à s’adapter. Les usines de chaux par exemple disparaissent avant la guerre de 1914-1918 ou changent parfois de main pour transformer leur production.
Après la Seconde Guerre mondiale, déclin du développement
Dans la deuxième moitié du 20e siècle, les activités se détournent de la voie d’eau pour la route mais l’impulsion donnée est telle que d’autres industries, sans lien avec le canal, viennent s’y installer.
Dans les zones déjà industrialisées, les usines continuent à s’implanter, bien qu’elles ne soient plus directement liées à la voie d’eau. Le meilleur exemple en est l’installation sur la rive gauche du canal de trois usines de bonneterie à Montceau-les-Mines. Ne dépendant ni de la voie d’eau, ni du charbon, en tout cas de manière directe, ces usines profitent de l’énergie produite par ce dernier et des commodités induites par les autres activités : main d’œuvre, services divers.
Les grandes industries déclinent et beaucoup ferment dans les années 1970-1990. Elles sont en partie ou totalement détruites, comme la grande usine Colesson en 1977 lors de la construction du TGV.