Paysages
Les quelques informations renseignant la période antérieure au canal dressent un tableau des paysages qu’il doit traverser : la ruralité domine très largement malgré quelques endroits où s’implante un début d’industrie.
Voici la description qu’en donne Émiland-Marie Gauthey en 1778.
« Le canal du Charollais traverse la plaine de Châlons, qui est fertile en blé ; ensuite il suit le cours de la Dheune, le long des pays où le vignoble est le plus considérable. Ces deux parties, qui sont environ le tiers de la longueur du canal, sont l’un des meilleurs pays de la province. Le reste parcourt un pays maigre qui, à l’exception de quelques parties du côté de Génelard et de Paray sur deux à trois lieues de longueur seulement, ne produit que du seigle. Mais ce pays est celui de la Bourgogne le plus garni en forêts, qui formeront une exploitation bien plus considérable pour le canal que si le sol était fertile en blé. Cette même partie contient des mines de charbon très abondantes. Ces trois objets, les vins, les bois et les charbons de terre, formeront une portion considérable du commerce du canal […] »1.
En 1829, Joseph-Marie Dutens explique que différents éléments mais aussi « la pauvreté du pays que devait traverser le canal du Centre déterminèrent enfin le gouvernement en faveur du canal de Bourgogne, auquel on se décida à faire travailler en 1775. »2
Ruralité
Le canal parcourt les climats du vignoble des Maranges (en amont de Chagny) puis ceux de Rully (en aval de Chagny). Cette partie possède aussi des ressources géologiques exploitées depuis longtemps : carrières et plâtrières façonnent le paysage, comme on peut le voir près de Remigny avec les murgers. Ces murs servant à stocker les pierres sont représentés sur le cadastre napoléonien.
Au sein d’un territoire en majeure partie dévolu à l’agriculture et à l’élevage, avec peu de routes, les grandes seigneuries tirent leurs revenus des bois, des fermes et plus rarement de l’exploitation du charbon en surface (seigneurie de Montcenis3). Si la maison-forte de Vilaine, avec sa silhouette de la fin du Moyen Âge, est l’un des plus anciens jalons historiques visibles, le château de Digoine demeure le plus exceptionnel héritage d’avant le canal.
Vue panoramique du site d’écluse 19 du versant Océan à Palinges avec le château de Digoine, la maison éclusière, le pont sur écluse et le chemin de halage transformé en route départementale.
Quelques villes se distinguaient des autres pour diverses raisons : Digoin, connue comme port sur la Loire, Chalon-sur-Saône, comme port sur la Saône. La ville de Paray-le-Monial, avec sa basilique du 12e siècle, peut donner une idée lointaine des paysages d’avant le canal.
Un réseau peu praticable
Les rares routes existantes permettaient de relier des bourgs, mais leur mauvais état rendait la circulation très difficile.
Le désir d’améliorer les infrastructures de réseau est cependant manifeste, au moins depuis le 18e siècle : par exemple, des projets naissent dans les années 1730 pour rendre l’Arroux navigable4. De telles études sont menées sur la plupart des rivières susceptibles d’être aménagées.
Frémissement industriel
Les plans anciens montrent que le lieu du futur bief de partage était constellé de chapelets d’étangs5, sur les digues desquels étaient implantés des moulins.
Les quelques esprits avant-gardistes qui tentent, dès la fin du 18e siècle, de développer une proto-industrie basée sur la seule force hydraulique ressentent le besoin d’améliorer aussi les voies de communication. « Il y a actuellement six forges dans le Charollais, qui pourront envoyer leurs fers par le canal. »6
Le problème est de se procurer les matières premières nécessaires : bois et eau. Sur la Dheune, par exemple, le sieur Jobert obtient, en 1759, le droit de construire une forge et un fourneau au-dessous de l’étang de Longpendu où la rivière prend sa source, et d’organiser le flottage du bois, à charge pour lui de se conformer pour la coupe des bois à l’Ordonnance des Eaux et Forêts7. Sur la même rivière, on peut également évoquer une tentative de forge à la Motte, grâce à un moulin sur l’étang. La présence de minerai de charbon, attestée par les progrès scientifiques du 18e siecle, est l’un des arguments donnés par Emiland-Marie Gauthey pour le passage d’un canal vers Montchanin / Montcenis / Montceau. Les cartes qu’il dresse dans les années 1780, période à laquelle il tente de faire accepter son idée de canal, l’attestent : elles mentionnent les gisements de Montcenis8.
Vers Digoin, à l’autre extrémité du canal, le marquis de la Tour Maubourg, qui a installé des forges à Gueugnon, cherche à récupérer du bois par flottage sur l’Arroux. Son souhait de voir son usine reliée aux grands axes de communication ne sera effectif qu’en 1867, avec l’ouverture de la rigole de l’Arroux qui va de Gueugnon au canal du Centre.