La Motte sur Dheune
Rive gauche, on remarque d’emblée le mur de clôture d’un grand parc arboré et une belle demeure parallèle au canal. Comment deviner qu’il s’agit d’un ancien domaine féodal, témoignage de l’impact de la voie d’eau sur son environnement ?1
Une longue histoire du Moyen Âge à l’Ancien Régime
Le fief est mentionné pour la première fois au début du 14e siècle. En 1371, le site se présente sous la forme d'une « motte close de fossés et une tour en icelle ». Vers le milieu du 18e siècle, il appartient à Henri de Rochemont. « A cette époque, le château de la Motte-sur-Dheune, au dire de Courtépée, était situé au milieu d'un parc et de jolis jardins. La grosse tour de l'ancien château existait encore, avec un vieux four. Les canalisations circulaires entouraient le château tout en actionnant un moulin. Les Rochemont firent alors certains travaux d'embellissement, car les bâtiments encore existants, restaurés plus tard dans le style, rappellent le dix-huitième siècle. Une sorte de pavillon à angles arrondis, à toiture plate et à grandes arcades formées de bandeaux se voit encore près du chemin de halage. Il servait, dit-on de conciergerie. Une porte monumentale y attenait. [...] Les Rochemont [...] construisirent, à la Motte-sur-Dheune, en 1822 une Verrerie dont le grand bâtiment à contreforts existe toujours. De plus, ils édifièrent, en 1838, à la place de l'ancien château, une construction moderne restée inachevée. Les de Breilly achetèrent le domaine vers 1840, pour le revendre bientôt à la Société des Mines de Blanzy qui, jusqu'à ces dernières années, logeait ses directeurs au château. Quant à la Verrerie de 1822, elle avait été transformée en salle de théâtre pour les jeunes gens employés à la mine. Depuis peu, la Compagnie de Blanzy s'est désintéressée de la Motte-sur-Dheune, et tout a été morcelé l'année dernière au gré des acquéreurs. »2
Un pôle de l’industrie en émergence dès 1780
Dès 1780, Louis Bernard Guyton de Morveau est autorisé à créer deux verreries à Saint-Berain à condition d'utiliser le charbon local : les prémices d’un développement industriel sont déjà en place à divers endroits de la vallée de la Dheune.
« En 1789, sa mine étant en activité, M. de Morveau fit construire au bois Jean Bordes une verrrerie à vitres et à bouteilles. Tout d’abord prospère, cette verrerie périclita ; en 1815, elle fut complètement abandonnée. Mais en 1825, le baron de Poilly ayant acheté des héritiers Rochemont l’ancien château de la Motte, créa dans ses dépendances une nouvelle verrerie à vitres puis à bouteille. Cette verrerie fut interdite en 1848 […] »3. Divers aléas précèdent sa désaffection.
Un site industriel au 19e siècle
« Ordonnance du 25 octobre 1826 portant que le sieur de Poilly est autorisé à établir une verrerie destinée à la fabrication des bouteilles en verre noir, dans son domaine de Lamotte, situé à Saint-Berain-sur-Dheune (Saône-et-Loire), et que dans cette verrerie, qui sera composée de deux fours de fusion, contenant chacun six creusets, l’impétrant ne pourra employer que de la houille pour combustible. »4 En 1838, est officiellement signalée une « Verrerie à bouteille dont un seul four est habituellement en activité »5. Nous savons également que dès 1837, la verrerie de Lamotte-Saint-Berain est administrée par les propriétaires des mines de Blanzy.
En 1854, la société des mines de Blanzy réalise à la Motte près Saint-Berain la première fabrication française d'agglomérés : le procédé employé était la presse hydraulique avec un lavoir qui permettait de préparer le charbon entrant dans ce matériau. Tout sera par la suite transféré à Montceau-les-Mines, au lavoir des Chavannes6.
Evolution du bâti sur le site
En 1829, sur le cadastre napoléonien, la demeure et l'atelier sont bien visibles ainsi que la maison la plus en amont. Plusieurs bâtiments formant un angle entre les deux maisons ont disparu (ferme ou autres ateliers). Les bureaux n'étaient pas encore construits.
Pour ce qui est de l’apparence des lieux, un plan de bornage7 indique dans les années 1860 :
- le pont de la Motte
- le pavillon du concierge du château de la Motte
- le château et la verrerie de la Motte
- les prés, cours, habitation des Mines de Saint-Berain (Jules Chagot et Cie)
- les terrains de la Verrerie (Pasques et Cie)
- la XXIIe écluse
- le contre-fossé de la Gagère et Saint-Berain qui contourne le château et rejoint le bord du canal.
A la fin du 19e siècle, on voit sur les cartes postales anciennes, en plus du logis patronal et du grand atelier d'usine, plus en aval, un immeuble de logements ouvriers. Une légende précise même qu'il s'agit des « bureaux de la Motte ». Ce bâtiment, de plan rectangulaire, à un seul étage sur rez-de-chaussée, s’étend sur douze travées rythmées par quatre portes d'entrée. La construction est soignée, comme le montrent les encadrements de fenêtres et de portes en brique et la corniche décorative qui animent les murs. Aujourd’hui, il est transformé en logements.
Une ancienne « maison du gardien de la Mine »8, en moellon à encadrements de brique, est installée le long de la route et du canal.
L’ancienne verrerie, un bâtiment rectangulaire à contreforts juste derrière la maison du gardien, a été réaménagée dans les années 1970 en restaurant. Le toit est aujourd’hui effondré sur le rez-de-chaussée. Au sous-sol, transformé en discothèque, il reste les fours en brique avec chaînes d’angle en pierre de taille.
Le bâtiment principal, en L, haut de deux étages sur soubassement, est séparé de la route par une pièce d'eau de forme ronde. Ardoises du toit, pierres des chaînes d'angle et encadrements de fenêtre signalent une construction soignée. La façade le long du canal est rythmée par neuf travées. La porte d'entrée s’ouvre au centre sous un arc en plein-cintre. La façade côté jardin est très différente : quelques marches dans l’angle donnent accès à une entrée en arrondi, qui dessine comme un avant-corps. L’entrée donne dans un vestibule avec grand escalier en pierre avec rampe en fer forgé. Le sol est recouvert de carreaux de ciment. Les moulures, cimaises et portes ont été conservées. L’aile gauche a été agrandie de quelques travées, sans doute au début du 20e siècle. Fyot déclare le bâtiment inachevé avant 19109.
Au débouché du pont de la Motte, se dresse encore l’ancien pavillon du concierge, à deux niveaux sur rez-de-chaussée surélevé, à l’architecture étonnante, sans doute construit au 18e siècle. Le toit à croupes est très plat. Sur les murs, dont les angles sont arrondis, de grandes arcades dont certaines courent sur les deux niveaux de la construction, abritent ou non des baies. Leur dessin, avec pilastres sur les côtés et agrafe au centre, rappelle les encadrements de baies du rez-de-chaussée du château, côté jardin. Il était complété, d’après E. Fyot, par une porte monumentale dont il ne reste rien.
Le contre-fossé du canal semble contourner le site en s'éloignant du linéaire pour longer une voie de chemin de fer.