Activités
« [Le canal] du Nivernais, placé au milieu de cette riche province, recevra toutes les productions et marchandises qui l’avoisinent. » Dans ce plaidoyer1 en faveur de la construction du Nivernais, l’ingénieur Amable Hageau fait surtout état d’une organisation des activités locales autour du bois : le « […] Bazois, canton dépendant du Nivernais, absolument couvert de bois […] »2. Il précise son analyse, dans un chapitre intitulé « commerce du canal du Nivernais » : « Dans l’hypothèse actuelle, le commerce du canal du Nivernais se fera avec des bateaux chargés de bois et tirés à col d’homme. »
Sa description permet de restituer des activités antérieures à l’aménagement du canal, principalement les moulins : le moulin Brûlé, au point de partage ou le moulin de Ceuillon (non identifié). Huit sont répertoriés de Châtillon en Bazois à Cercy-la-Tour en passant par Panneceau, le plus important. De nombreux moulins existent aussi sur l’Aron, peu avant Bernay.
L’établissement du canal ne doit pas non plus « [priver] l’agriculteur de terrains précieux par leur récolte, et l’engrais des bestiaux qui fait la plus forte branche des commerces de ce pays. ». Il n’est par contre aucunement fait mention, comme c’est le cas sur le canal du Centre, de matières premières à exploiter telles que le charbon ou la pierre, qui laisseraient espérer d’autres débouchés.
Dès 1824, l’ingénieur Mossé3 a des doutes sur la capacité du canal à devenir un vecteur fort de développement, la concurrence commerciale du canal latéral à la Loire étant trop importante. Il faut dire qu’en cette première moitié du 19e siècle, les ingénieurs des Ponts et Chaussées commencent à constater les effets des voies d’eau artificielles précédemment ouvertes. Ils affinent leurs calculs pour les projets en cours. Dès cette époque, le tracé est jugé trop long et trop complexe, par rapport à d’autres itinéraires existants déjà.
« Le canal latéral à la Loire a son embouchure dans le fleuve vis-à-vis celle du canal du Centre à Digoin. Tous les bateaux venant de Marseille, de Lyon et de la Bourgogne par le canal du Centre, tous ceux venant de la partie du cours de la Loire au-dessus de Digoin, entreront dans le canal latéral. Pour que les conducteurs de ces bateaux, après avoir parcouru ce dernier canal sur une longueur de treize lieues et être arrivés en face de Decize se décidassent à se détourner de leur direction naturelle, à entrer dans l’embranchement qui conduirait à Decize, à traverser au-dessous de l’île sur laquelle cette ville est bâtie, un fleuve comme la Loire, dont la traversée n’est pas facile, ni quelque fois exempte de danger, il faudrait qu’ils y trouvassent un grand avantage. Dans un ouvrage […] sur les canaux de la France composé par un auteur recommandable, M. Huerne de Pommeuse, membre de la chambre des Députés, il en dit que le trajet entre Decize et Paris par la canal du Nivernais est de 25 000 mètres, ou de 19 lieues, plus long et offre une hauteur de 200 pieds de plus à franchir que le trajet entre Decize et Paris par le canal latéral à la Loire et les canaux de Briare et du Loing. La première de ces deux assertions est exacte […]. La seconde n’est donnée que comme une approximation ; en voici ce qu’on peut avancer à ce sujet aujourd’hui. Le nombre des écluses entre Decize et Paris par le canal latéral, par celui de Briare et celui du Loing est de 87 […]. Le nombre des écluses depuis le point où l’on quitterait le canal latéral pour aller joindre le canal du Nivernais, serait jusqu’à la ville d’Auxerre de 116. […] Non seulement les bateaux du canal du Centre et de la haute Loire ne quitteront jamais le canal latéral à la Loire pour entrer dans celui du Nivernais, mais encore tous les produits des bords de l’Aron […] se porteront vers la Loire et vers le canal latéral, excepté les bois de forest de Bazois qui se transporteront du côté de l’Yonne. »