Canal du Nivernais
Quand le canal du Nivernais traversait ClamecyLa construction du canal à la fin de l’Ancien Régime

Histoire

1. Les premiers coups de pioche

Borne en calcaire portant l’inscription « Origine du canal du Nivernais ». Placée sur le quai devant la maison du receveur de la navigation, aujourd’hui espace d’interprétation du toueur Ampère V, à Saint-Léger-des-Vignes.

A la suite d’un hiver rigoureux, un arrêt du Conseil du roi du 10 avril 1784 ordonne la construction d’un canal dans la Nièvre, reliant Baye à Châtillon-en-Bazois, afin d’améliorer l’approvisionnement de Paris en bois de chauffage et d’éviter les pénuries. En effet, ce combustible, nécessaire au confort des Parisiens de l’Ancien Régime, provenait en grande partie des forêts du Morvan. Il était acheminé vers la capitale par l’intermédiaire de différents cours d’eau convergeant vers la Seine. Augmenter son rendement supposait l’établissement d’un dispositif de flottage permettant d’amener les bois du versant Loire vers le versant Seine. Comme le résume un historien, « [il] s’agit simplement d’élargir du côté du Bazois l’espace d’approvisionnement de Paris en bois. »2

Les premiers projets sont établis par un architecte de Clamecy, Charles Bossut, qui propose de canaliser l’Aron et le ruisseau de Baye, de Cercy-la-Tour à la ligne de partage des eaux, et d’établir une rigole de flottage en partie souterraine, entre la Collancelle et la rivière d’Yonne, au lieu-dit La Chaise. Les travaux débutent en 1784 sous la direction du maître des eaux et forêts d’Auxerre, Ménassier, et de Bossut. Une carrière de pierre est ouverte à Crux-la-Ville et un pavillon est construit à Baye pour loger les ingénieurs. Six écluses (Bazolles, Chavance, Marré, Orgue, Mingot et Châtillon) sont mises en chantier en 1785 et le percement du tunnel de La Collancelle est amorcé. Les digues des étangs de Vaux et de Baye sont surélevées pour augmenter leur capacité.

Maison des ingénieurs à Baye, bief de partage, Bazolles.
Maison des ingénieurs à Baye, bief de partage, Bazolles.

Le projet est cependant revu en 1786 à la suite de la visite de chantier d’une commission, dont fait partie le marquis de Condorcet. Son rapport précise en effet « qu’il y a intérêt à ne pas se contenter d’un canal de flottage mais de faire un canal de navigation qui se peut continuer jusqu’à Cravant, lieu où l’Yonne est navigable »3. En 1790, certains ouvrages sont en théorie terminés d’après le rapport de l’ingénieur ordinaire Aimable Hageau4, nommé ingénieur en second du canal du Nivernais en 1786.

Ralentis à partir de 1791, puis interrompus en 1794, les travaux reprennent en 1807. Napoléon Ier relance en effet les grands chantiers abandonnés à la chute de la monarchie. Ils sont menés selon les directives de 1784, mais sous la direction du même Hageau, devenu ingénieur en chef du canal. Les efforts sont concentrés sur le percement de la montagne de la Collancelle5. Les caisses de l’Etat n’en demeurent pas moins vides et la construction est de nouveau interrompue en 1812. Dans l’attente de jours meilleurs, les maisons élevées pour le personnel du canal sont louées, comme nous l’apprend une lettre du directeur de l’Enregistrement et des Domaines adressée au préfet de la Nièvre, le 19 décembre 1815 :

« 19 petites habitations situées sur la butte de La Collancelle qui ont été construites pour servir de logement aux ouvriers employés aux réparations de ce canal et qui, d’après le rapport, sont à présent habitées, en partie, par ces ouvriers et par d’autres personnes sans titre. L’on vous propose de les faire louer au profit du gouvernement pendant l’intervalle de la Cessation des réparations du canal. »6

« Revêtement du percement du seuil de la Collancelle ». Planche IVe de la « Description du canal du Nivernais tel qu'il a été projeté pour la navigation du Bois, suivie d'un projet économique pour son extension tendant à la faire servir au commerce en général ». Par le Sieur Hageau, Ingénieur en second dudit canal. 1790. Archives départementales de la Nièvre, 1 J 106.
« Revêtement du percement du seuil de la Collancelle ». Planche IVe de la « Description du canal du Nivernais tel qu'il a été projeté pour la navigation du Bois, suivie d'un projet économique pour son extension tendant à la faire servir au commerce en général ». Par le Sieur Hageau, Ingénieur en second dudit canal. 1790. Archives départementales de la Nièvre, 1 J 106.
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Retour au texte 1 STAINMESSE Bernard, « Un canal à contre-courant, le canal du Nivernais », Loire et Morvan, n°7, 1996, p. 57-58.
Retour au texte 2 PERE Pierre, « Le canal du Nivernais à Limanton, première partie […] », Bulletin municipal de Limanton, décembre 2010.
Retour au texte 3 BILLET Marie-France et DESCAMPS Christian, Canal du Nivernais. De Decize à Auxerre, la grande flâne, 1990.
Retour au texte 4 HAGEAU Amable, Description du canal du Nivernais tel qu’il a été projeté pour la navigation du Bois, suivie d’un projet économique pour son Extension tendant à le faire servir au Commerce en général, 1790, Archives départementales de la Nièvre, 1 J 106.
Retour au texte 5 « Lettre du sous-préfet de Château-Chinon au préfet de la Nièvre, le 19 avril 1808 », Archives départementales de la Nièvre, S 4713-4716.
Retour au texte 6 Archives départementales de la Nièvre, S 4713-4716.
Retour au texte 7 MENAGER Philippe, Les canaux bourguignons. Histoire d’un patrimoine, Viévy : Editions de l’Escargot Savant, 2009.
Retour au texte 8 Archives nationales, F14 6984.
Retour au texte 9 Archives nationales, F14 6984.
Retour au texte 10 BACHET Gaby, CUYNET Jean, Histoire du rail en Bourgogne, Pontarlier : Éditions du Belvédère, 2007.
Retour au texte 11 « Plan du canal dressé en 1930 en vue de la mise au gabarit de la péniche normale de 300 tonnes », VNF-Direction territoriale Centre-Bourgogne, Subdivision de Corbigny.