Ponts et passerelles
Les ponts fixes
Bien qu’ils soient projetés pour être construits en pierre sous l’Ancien Régime, la majorité des ponts du canal du Nivernais furent construits en charpente dans les années 1830. Plusieurs procès-verbaux d’adjudication, conservés aux Archives départementales de la Nièvre, le confirment : « la plupart des ponts en maçonnerie furent d’abord établis en charpente mais ils se dégradaient rapidement »1. D’après le projet de l’ingénieur ordinaire Poirée, approuvé en 1825, les ponts, au nombre de 33, situés sur la partie du canal reliant La Chaise à Coulanges-sur-Yonne, présentaient quatre mètres de largeur de voie et étaient composés d’un tablier en charpente, de deux culées en maçonnerie et de garde-corps en bois7.
Seuls les ponts situés autour du bief de partage furent réalisés entièrement en maçonnerie au début du 19e siècle : les ponts des Poujeats, des Breuilles et de Port-Brûlé, situés sur la commune de La Collancelle, ont ainsi été construits dans les années 1820, en moellon et en pierre de taille.
Progressivement, les ingénieurs se rendirent compte que les ponts en charpente n’étaient pas assez solides et qu’ils se dégradaient rapidement. Dès les années 1840, des campagnes de travaux furent conduites pour remplacer les tabliers en charpente des ponts du canal par des voûtes en pierre ou en brique. Cette situation est exposée, par exemple, dans un rapport sur le projet de transformation du pont de Pousseaux, le 18 mars 1847, par l’ingénieur ordinaire Cambuzat8. Le pont est en mauvais état : « il y a nécessité de remplacer le tablier en bois par une voûte en pierre, et pour donner le plus de largeur possible à la voix charretière et plus de sécurité aux piétons il est aussi nécessaire de placer en tête du pont des garde-corps en fer au lieu de parapets en pierre. On aura ainsi une voie de 4m de largeur pour les voitures et des trottoirs de 0m90 ».
Le pont sur l’écluse de Mingot fait aussi l’objet des mêmes préoccupations9 : « Le pont dont il s’agit a été construit en 1827 avec tablier en bois lors de la construction du canal. A cette époque il ne donnait passage qu’à un simple chemin rural. Depuis lors cette voie a été convertie en un chemin vicinal de moyenne communication. […] En vertu d’une décision ministérielle du 25 novembre 1862, le tablier en bois a été remplacé par une voûte en maçonnerie avec deux trottoirs et garde-corps de fer. » Aujourd’hui, on dénombre 41 ponts fixes voûtés en pierre ou en brique sur le canal.
A partir des années 1870, les charpentes des ponts sont remplacées par des poutres en métal. Ainsi, 21 ponts fixes en charpente, situés entre Coulanges et Decize, furent transformés et exhaussés en 1876. Les poutres en bois furent notamment remplacées par des poutres en fer. Ce fut le cas de la charpente du pont Gravelot, élevé sur les plans de l’ingénieur Poirée dans les années 1830. Aujourd’hui, on compte 68 ponts fixes dont les culées sont construites en pierre, et le tablier est en métal et en bois.
A partir du 20e siècle, les ponts permettant le franchissement d’axes de communication importants, furent restaurés ou reconstruits pour certains, en béton. Aujourd’hui 39 ponts fixes ont été reconstruits entièrement ou en partie en béton. C’est le cas du pont situé juste en aval de la tranchée de la Chaise et permettant le passage de la D 146. Il est construit en béton recouvert d'un enduit imitant la pierre de taille.
Cette typologie de ponts fixes est assez exceptionnelle à l’échelle de notre étude sur les canaux de Bourgogne. En effet, dans les années 1870-1880, lors de la mise au gabarit Freycinet du canal du Centre et de celui de Bourgogne, l’ensemble de leurs ouvrages de franchissement furent exhaussés et reconstruits afin de faire passer des péniches de plus grand tonnage. Les tabliers des ponts fixes furent notamment repris en métal. Le canal du Nivernais n’a pas connu cette modernisation majeure de la navigation commerciale. La plupart de ses ponts, construits en maçonnerie, servaient pour la desserte locale : ils n’avaient donc pas besoin d’être reconstruits en métal. Ces ponts nous livrent ainsi une vision des ouvrages du canal avant l’ère industrielle et commerciale.
Les ponts mobiles
Le canal du Nivernais se distingue également des autres canaux de Bourgogne par la présence de ponts mobiles. La plupart furent mis en place dès la reprise des travaux de construction du canal dans les années 1830. Pour l’ingénieur Fourrey, « les ponts mobiles sur les canaux correspondent aux passages à niveau sur les chemins de fer. Ils sont gênants pour la circulation par terre et par eau qu’ils interrompent par moment ; en revanche, ils n’exigent pas de modifications au profil en long des voies terrestres. On est donc conduit à les employer lorsque la circulation n’est pas trop active, dans le cas où l’on ne peut établir de rampes d’accès »10. Économie de construction et usage modéré dictent donc l’établissement de ces ouvrages sur le canal du Nivernais. Les projets établis pour le canal dans les années 1820 nous apprennent que la construction de nombreux ponts mobiles en charpente était prévue. Trop fragiles, la plupart d’entre eux furent reconstruits en métal au cours du 19e siècle ; d’autres furent transformés en ponts fixes et élevés en pierre. Treize ponts mobiles ont été recensés sur le canal du Nivernais.
Parmi ces derniers, on distingue aujourd’hui une dizaine de ponts-levants à flèche. Il s’agit du type de pont-levant le plus couramment établi sur les canaux du nord et de l’est de la France au 19e siècle. Ces ponts se composent de :
- deux montants verticaux fixés à une culée en maçonnerie,
- d’une « flèche » constituée par deux poutres rendues solidaires par des entretoises et mobiles,
- d’un tablier relié à la flèche par deux tiges de suspension
- et d’une chaîne de manœuvre fixée à l’autre extrémité de la flèche.
Pour relever le pont, il suffit d’actionner la chaîne de manœuvre permettant l’oscillation de la flèche, et par là, le levage du tablier. La plupart de ces ponts à flèche ont été établis en charpente dès les années 1830. Ils furent remplacés par des superstructures en métal dès la fin du 19e siècle. Ce fut le cas des ponts-levants de Germigny, de Chazelles, du Marais, de Saint-Didier, de l’Âne, de Pousseaux et de Curiot. Seul le pont-levant à flèche de Thoury, à Dirol, présente encore une structure en charpente ; il a par ailleurs été restauré et remonté à son emplacement sur le canal en 2013. Le pont-levant du Tremblay, desservant le château du même nom sur la commune d’Isenay, est aussi construit en bois mais il ne présente pas de flèche.