Paysages
Quelques exemples permettent de se faire une idée des bouleversements introduits dans le quotidien par la voie d’eau. Le plus visible reste la limite clairement posée par les alignements d’arbres.
Plantations au début du 19e siècle
La plantation d’arbres aux abords, à l’origine essentiellement économique, constitue un paysage à part, dont il reste quelques traces aujourd’hui. Une réflexion est menée sur les essences à planter. Aux essences de peupliers blancs et noirs sont ajoutés dans les années 1830 l’orme et le frêne6.
« Les plantations entre Decize et Châtillon ont déjà été commencées en Régie et c’est l’expérience de ce travail qui nous détermine à mettre en adjudication ce qui reste à faire. L’ingénieur ordinaire ne peut pas se pourvoir d’arbres à l’avance. […] Jusqu’à présent les plantations sur les canaux avaient été faites en peupliers et l’administration avait suivi en cela l’exemple des propriétaires qui veulent toujours jouir promptement de leurs avances de fonds ; mais un gouvernement ne meurt pas ; ses vues ne doivent pas se borner à une durée de vingt ans ; il doit songer à doter l’avenir d’arbres […] plus précieux que l’intérêt particulier en néglige la culture. Ces arbres, à bois dur, tant recherchés pour le charronnage sont le frêne et l’orme. Le premier poussera très bien dans les terrains humides, et le second sera avantageusement placé dans les parties les plus sèches et au pied des coteaux graveleux que le canal contourne depuis Decize jusqu’à Châtillon. Une dernière raison pour exclure les plantations de peupliers ; c’est la grande quantité qui existe déjà sur le canal du Nivernais et sur le canal latéral à la Loire. Ces arbres plantés à des époques rapprochées seront bons à couper en même temps et ne pourront se vendre qu’à vil poids s’ils sont trop nombreux dans la même localité. »7
Un suivi précis est effectué par les services des Ponts et Chaussées :
« Les plantations déjà faites prennent de la croissance chaque année, elles donnent de la valeur à la propriété et par la suite, elles offriront un revenu assuré lorsqu’étant mises en coupe réglée on pourra les renouveler à mesure des abatages. […] Comme il y a sur le canal quelques pépinières qui peuvent fournir des peupliers et des ormes, il est nécessaire d’imposer l’obligation à l’entrepreneur d’employer les arbres de ces pépinières qui lui seront livrés au prix de son adjudication. »8
Les rives du canal étaient travaillées à plusieurs niveaux de végétation9 : engazonnement, installation de plantes aquatiques en bordure de rive (joncs, iris, glaïeuls). Les digues et autres bords du canal étaient utilisés et amodiés10 à des particuliers.
Les chemins de halage souvent seules voies d’accès au canal, étaient très fréquentés.
Zones industrielles et usines
Trois points se distinguent pour leur développement industriel : les deux extrémités du canal et la ville de Clamecy. Saint-Léger-des-Vignes, à l’embouchure dans la Loire, s’est étendu sous l’influence des mines de charbon de La Machine. Auxerre, vers l’Yonne, a plutôt développé des infrastructures, comme le stade de l’Abbé-Deschamps. Le faubourg de Bethléem, à Clamecy, est bien connu comme lieu de résidence des mariniers. Il reçoit une église en 1926, reconstruite par l’architecte Georges-Théodore Renaud. Ce bâtiment paraît très novateur en son temps, par l’usage de la technique du ciment armé, à l’instar de la chapelle de La Colombière à Chalon-sur-Saône, par les frères Auguste et Gustave Perret. L’ensemble formé par les usines Solvay-Rhodia, ainsi que tous les bâtiments annexes : logements ouvriers, loisirs... installé quai Saint-Roch prolonge la ville de Clamecy.
Lieu d’attirance : le canal comme axe d’organisation des paysages
Le canal du Nivernais offre un répertoire varié en matière de paysage patrimonial et environnemental. La quasi-totalité de la voie d’eau se déroule dans un environnement rural ponctué de villages. Pensons à ceux de Mailly-le-Château ou de Châtel-Censoir qui s’élèvent sur des coteaux bordant la voie d’eau, ou encore à Chevroches, s’étirant longuement le long d’une boucle.
Le fait de ne pas avoir été, comme nombre de canaux français à la fin du 19e siècle, une voie commerciale et industrielle importante, a coupé toute évolution technique majeure, comme les transformations liées au passage au gabarit Freycinet. De même, l’abandon progressif de son exploitation dans le courant du 20e siècle laisse la part belle à la végétation. Ruines de construction gagnées par le vert, eaux stagnantes : les ingrédients du pittoresque romantique sont alors réunis. Paradoxalement, c’est de la période la plus sombre de son histoire qu’il tire son aspect actuel d’authenticité, et par là sa reconnaissance comme patrimoine culturel depuis les années 1970.
Le succès touristique du canal pousse depuis lors à penser le territoire et à considérer le paysage, dans son acception large, à travers et en fonction de lui. S’engage une réflexion sur les abords comme sur le patrimoine bâti qui l’entourent.