Paysages
Le canal du Nivernais est bien souvent dans une position ambiguë. Il se glisse avec discrétion en fond de vallée, longeant la rivière qui l’alimente, et est souvent dissimulé par le couvert végétal. L’impact qu’il a eu sur la construction des paysages est aujourd’hui difficile à voir.
Des changements certains : avant le canal
Une comparaison avec la situation des mêmes territoires avant sa construction rend ces changements bien plus évidents.
L’étude archéologique récente de la chartreuse de Basseville donne une idée d’un contexte très local, celui de Pousseaux, vers Clamecy, avant la Révolution de 1789, soit avant la construction du canal. La vie autour de l’Yonne était organisée entre pêcheries, flottage, moulins... La rivière possédait davantage de gués que de ponts. L’espace était en très grande partie occupé par la vigne et très marginalement par des prés, des champs et quelques parcelles de forêt. La vision d'aujourd’hui est bien différente.
Réorganisation des réseaux traditionnels : routes et ponts
Les rivières sont bien entendu les premières touchées : l’Aron et l’Yonne voient ainsi en plusieurs endroits leur cours modifiés.
Les routes sont aussi réorganisées : en mauvais état à l’époque de la construction du canal, elles sont peu à peu refaites. Elles se calquent alors sur les franchissements déjà installés sur la voie d’eau. Certains chemins anciens sont même coupés et redirigés vers des ponts de passage.
A noter la divergence entre réseau routier et réseau hydraulique sur le canal : la route ne se développe pas, sauf en quelques endroits, en fonction du canal, qui lui-même n’induit pas de développement routier.
Fermes, châteaux et édifices religieux...
Dans l’ensemble, les réticences à l’égard du canal ont été vaincues par la hausse des prix des terrains, rachetés deux fois leur valeur antérieure par l’administration3.
En proximité du canal se trouvent une vingtaine d’édifices religieux, parmi lesquels seize églises paroissiales, mais aussi une trentaine de demeures nobiliaires, dont 22 châteaux.
Une cinquantaine de grands domaines seigneuriaux contrôlaient le territoire bien avant le passage de la voie d’eau. Certains subissent des modifications : le château de Cuncy voit ses douves comblées vers 1830 lorsque le cours de l’Yonne est détourné pour alimenter le canal. Il obtient en 18354 un aqueduc pour ses bassins. D’autres ont reçu des compensations pour les pertes occasionnées, comme la construction de ponts de desserte pour leurs propriétés.
Le château de Châtillon-en-Bazois est particulièrement touché : le canal le sépare d’une partie du village. En compensation, un canal est installé pour irriguer les jardins et le potager en contrebas. De même, le moulin du château de Bélombre est alimenté par l’Yonne et par le canal.
Les activités rurales sont prépondérantes : il existe un certain nombre d’exploitations agricoles autour de la voie d’eau. Le canal a toujours été entouré de grands domaines agricoles, avec à leur tête un château : songeons au château du Bouchet, à Bazarnes, ou encore au château de Roche à Champvert, qui présentent toujours des parties anciennes vouées à l’agriculture. Les tours de l’ancienne ferme de Dirol, vraisemblablement construite au 17e siècle et partiellement transformée dans la première moitié du 19e siècle, sont visibles sur la rive gauche du canal. A Lucy-sur-Yonne, la ferme de Bèze, appelée aussi château de Bèze, se compose de plusieurs corps de ferme, d'un corps de logis et d'un pigeonnier.
Il est difficile de cerner précisément sur l'ensemble du linéaire la part du canal dans le développement urbain, mais elle est très importante. D’après une étude sur Limanton, « La Belle Epoque de Panneçot, celle du boom immobilier, dure une quarantaine d’années, des années 1870 aux années 1900. C’est à cette époque que se constitue l’essentiel du paysage bâti visible aujourd’hui. »5 Une partie des maisons en pierre du village de Chevroches est bâtie à cause de l’exploitation des pierres expédiées par le canal.