Sites d’écluse
Définition
Un site d’écluse peut se définir comme un « ensemble constitué de l'écluse et des constructions qui lui sont liées (maison d'éclusier, remise, ouvrage de franchissement, etc.) »2.
Le sas d’écluse
L’écluse permet aux bateaux de franchir les différences de niveau entre les biefs. Elle est délimitée par des portes busquées (deux vantaux) mises au point dès la Renaissance : l’angle de fermeture des portes leur permet de mieux résister à la pression de l’eau. Sur le canal du Nivernais, on peut observer quelques portes en bois, refaites d’après des modèles du 19e siècle. Partout ailleurs, elles ont été remplacées à la fin du 19e et au 20e siècle, par des portes en métal. C’est le canal du Nivernais qui conserve le plus d’écluses mécaniques, avec divers systèmes facilitant les manœuvres. Sur les canaux de Bourgogne, du Centre et sur la Seille, l’ouverture est le plus souvent automatisée, c’est-à-dire commandée à distance par un bouton.
Sur les trois canaux étudiés, on trouve « des échelles d’écluses » : à Pouilly sur le canal de Bourgogne, à Écuisses sur le canal du Centre et à Sardy-lès-Épiry sur le canal du Nivernais. Cette appellation courante est impropre, il s'agit en réalité d'une succession de biefs très courts.
La construction d’un sas exige une mise en œuvre précise des matériaux pour résister aux mouvements de l’eau, comme l’explique dès 1780 Émiland-Marie Gauthey dans son étude sur les écluses3. Les sas étaient initialement en pierre de taille et moellon, sauf pour quelques exceptions en brique et pierre sur le canal de Bourgogne vers Migennes. Ils sont souvent refaits en ciment. Le canal du Nivernais possède nombre de bajoyers portant la date de réfection du sas.
Si la majorité des sas bourguignons est passée au gabarit Freycinet, une partie du canal du Nivernais est restée au gabarit Becquey, de part et d’autre du bief de partage. Des sas de grande chute ont été installés sur le canal du Centre et quelques-uns sur le canal de Bourgogne.
Pour y effectuer des travaux, on utilise un batardeau, sorte de digue qui retient l’eau provisoirement, afin de pouvoir vider le sas ou encore un bief.
Un monde clos
Le canal passant souvent dans des endroits très isolés, le site d’écluse doit aussi apporter un support humain et technique aux bateaux. Il apparaît comme un tout, étudié pour une vie en autarcie, repliée sur le canal et sur ses exigences : éclusage de nuit, dépannage des problèmes techniques...
Ainsi, des écuries, un four à pain, un évier avec sa pierre d’écoulement sont-ils prévus par les ingénieurs à l’intérieur des maisons. A la fin du 18e siècle, période de conception des canaux, cette idée d’une maison idéale pouvant accueillir un éclusier et sa famille apparaît comme très novatrice. La majeure partie des constructions rurales est composite, mêlant divers matériaux, et de forme irrégulière, avec ajouts correspondant à des usages successifs. Les ouvertures sont percées au gré des besoins4.
A l’extérieur, le puits, le lavoir, les latrines, le jardin et le verger complètent l’ensemble. Des annexes sous appentis ont aussi été ajoutées progressivement en fonction des besoins.
D’autres maisons peuvent s’associer à ce module de base : on trouve parfois face à face, de chaque côté d’un sas du canal de Bourgogne, maison de garde et maison éclusière.
Les acteurs : éclusiers et éclusières
La navigation sur les canaux était jusqu’au milieu du 20e siècle bien différente d’aujourd’hui. Elle avait lieu de préférence quand les eaux étaient hautes, c’est-à-dire de l’automne au printemps, et la nuit s’il le fallait. Elle s’arrêtait en été quand les réservoirs étaient trop bas. Jusqu’à la mécanisation puis l’automatisation des écluses, la majeure partie du personnel sur les canaux était constituée par les éclusiers. Mais ils n’étaient pas seuls à fréquenter les sites : certaines maisons abritaient aussi un jardinier, comme à Chagny, sur le canal du Centre, d’autres des ateliers spécifiques, telle une forge sur le canal du Nivernais.
D’après les témoignages, il semble que les manipulations liées aux passages d’écluse aient été un travail dévolu aux femmes, dans des conditions d’ailleurs peu enviables. Les agents aux écluses étaient payés au bateau passé5.
La situation est aujourd’hui bien différente et varie même d’un canal à l’autre. Le canal du Nivernais, non automatisé, possède encore beaucoup d’éclusiers par rapport au canal du Centre, entièrement automatisé. Un seul éclusier s’occupe souvent de plusieurs écluses.